.

AEROCARBURANT

Des fossiles dans les bidons
(extraits de ULM, du rêve à la pratique)


L'essence


L'essence est un hydrocarbure (mélange de molécules complexes d'atomes de carbone et d'hydrogène) liquide issu du pétrole. Ce dernier est le résultat de la dégradation d'organismes aquatiques végétaux et animaux fossiles exposés au temps et à la pression. Le "brut" existe en quatre types : paraffine, oléfine, naphténique et aromatiques. Il contient du soufre, de l'eau salée, des métaux, qui le rendent inutilisable en l'état. Le raffinage (colonnes de cracking) permet d'extraire le goudron, l'huile, le gasoil et l'essence. Les produits font ensuite l'objet de traitements supplémentaires qui en améliorent la qualité. Quand la simple distillation fractionnée continue ne suffit pas, on adjoint aux procédés classiques des unités de conversion : le craquage ou le reformage catalytique, le craquage thermique et l'hydrocraquage donnent des produits par dissociation ou recomposition moléculaire. L'essence automobile (MOGAS) est cataloguée par son indice d'octane, compris entre 0 (heptane très détonnant) et 100 (iso-octane très peu détonnant). L'indice RON (Research Octane Number) reflète le comportement du carburant durant l'accélération ou à bas régime. L'indice MON (Motor Octane Number) caractérise la résistance du carburant au cliquetis à régime élevé. Un indice 95 (RON) est composé de 95 % d'iso-octane et de 5 % d'heptane.
Une essence d'indice d'octane trop bas brûle rapidement, ce qui occasionne le cliquetis (petites explosions spontanées incontrôlées précédant le point de combustion optimal). En augmentant la compression du moteur (ce qui permet d'extraire plus d'énergie de l'essence), on encourage davantage le cliquetis. Il a donc été nécessaire d'augmenter l'indice d'octane afin d'organiser des combustions lentes et progressives. On doit au chimiste américain Thomas Midgley l'introduction de plomb tétraéthylène comme composé anti-cliquetis dans l'essence : c'est l'invention du super carburant (1925). Mais les oxydes de plomb dus à la combustion encrassent et détruisent les moteurs. L'ajout de bromure d'éthylène résout le problème ; il en résulte un bromure de plomb qui se vaporise et s'évacue avec les gaz d'échappement. Jusqu'à présent, la teneur en plomb était de 0,15 g/l de super plombé. La norme a réduit cette teneur à 0,005 g/l pour le super sans plomb. Dans ce carburant, le plomb est remplacé par du MéThyl Tertio Butyl Ether (MTBE), ou de l'Ethyl Tertio Butyl Ether (ETBE). Notons que le plomb a une vertu induite de lubrifiant pour les soupapes, que ne remplacent par les MTBE et ETBE, lesquels, sont par ailleurs, destructeurs pour certains joints (notamment sur les anciennes mécaniques).



Quel carburant pour les ULM


Les moteurs modernes qu'on rencontre habituellement sur nos ULM sont conçus pour fonctionner avec du SP 95. Ce carburant à forte teneur en benzène n'est pas aussi agressif que le SP 98, dont les composants oxygénés (plus le méthanol et l'éthanol) sont destructeurs pour le caoutchouc. Il faut donc être soigneux dans le choix des durits d'alimentation et vérifier que les réservoirs improvisés en matière synthétique ne se détériorent pas à son contact. On note d'autres inconvénients à utiliser le SP 98 : il se dégrade rapidement lors du stockage (rendant difficiles les démarrages espacés) et occasionne une élévation de la température moteur. Les moteurs plus anciens ont besoin de plomb, que le potassium, le sodium, le phosphore ou le manganèse introduits dans le SP 98 ne remplacent pas entièrement. On conseillera donc d'additiver le carburant pour les VW, Limbach, JPX... En général, les manuels d'utilisation renseignent précisément à ce sujet. En l'absence de précisions ou en cas de doute, consultez l'importateur.
Il est parfois nécessaire de s'approvisionner sur un aérodrome. La plupart du temps, c'est de l'AVGAS 100LL (couleur bleue) qui est disponible (au prix de l'or). Les moteurs deux et quatre-temps modernes la supportent, mais s'en trouvent encrassés (mélange plomb-huile = dépôts calaminants et gommants). Une utilisation occasionnelle est donc possible, mais pas habituelle. Les moteurs deux-temps, qui sont lubrifiés par l'huile ajoutée, supporteront très bien l'essence achetée en grande surface (on purgera juste les réservoirs régulièrement). Pour les quatre-temps, une essence de "grande marque" (en existe-t-il encore ?) mieux additivée et moins polluée est peut-être préférable... Pour votre devis de masses, comptez 0,72 kg/l.
Le carburant est contenu dans un (ou des réservoirs) parfois placé loin, en contrebas ou au-dessus du moteur. Son acheminement est confié à une pompe mécanique ou pneumatique actionnée par le moteur. Cette pompe force le remplissage des cuves de carburateurs, ou l'alimentation du distributeur d'injection. Quand les réservoirs sont installés au-dessus du moteur, il faut prévoir un robinet d'arrêt, afin qu'une fuite des pointeaux de carburateurs ne finisse pas par inonder carbus, carters et cylindres. L'installation peut inclure une pompe électrique qui ne sera déclenchée du tableau de bord que pendant des phases précises du vol (décollage, montée, atterrissage...). Cette pompe branchée en parallèle et isolée par des clapets anti-retour vient en supplément au cas où une avarie naissante de la pompe mécanique rationnerait le moteur. En amont de ces pompes doit se trouver le filtre, ou mieux, le filtre décanteur équipé d'un purgeur. De même, chaque réservoir doit posséder en son point le plus bas un dispositif permettant la purge (retrait de l'eau).



Le mélange gazeux


Le moteur réclame une "nourriture" qu'il transforme en énergie. Comme celle d'un être vivant, son alimentation doit être équilibrée, sinon son rendement sera mauvais, ou pire, il sera malade (indigestion, fièvre...). Allons plus loin dans cette singulière analogie : un être vivant a besoin d'oxygène qui lui servira à oxyder les aliments ingérés (ne parlons pas des végétaux, qui se nourrissent de dioxyde de carbone et de lumière). Le moteur consomme un carburant : l'essence. Mais seul, le carburant n'est d'aucune utilité. Il faut lui adjoindre un comburant pour pouvoir l'enflammer. Le meilleur comburant, le moins cher, le plus répandu est l'oxygène contenu dans l'air à raison de 21 % (l'azote représentant 78 % et les gaz rares 1 %). La proportion carburant-comburant doit se faire à raison de 1 masse d'essence pour 13 à 15 d'air (soit 2,5 à 3 masses d'oxygène). Le rapport idéal, aussi appelé stoechiométrique, étant proche de 1 pour 15.
Le dispositif le plus simple qu'on ait trouvé pour réaliser ce mélange gazeux est le carburateur. L'air aspiré par le moteur (par dépression) passe dans un canal dont la forme génère une accélération (effet venturi). Dans ce flux rapide est placé un tube percé de petits orifices (tube émulseur) qui vaporise de l'essence puisée dans une cuve à niveau constant. Le flux d'air devient dès lors une veine gazeuse, prête à être introduite dans le cylindre, comprimée et enflammée. Le carburateur délivre la quantité d'essence en fonction du débit d'air, donc en fonction du régime moteur. La dépression n'étant pas proportionnelle au débit d'air, on a inventé l'automaticité, sous la forme d'une aiguille de forme conique qui corrige le volume d'essence au prorata du flux d'air. La densité de l'air variant avec la température et l'altitude, certains carburateurs possèdent un "correcteur altimétrique", autrement nommé "mixture", commande de mélange ou de richesse, qu'on règle en vol. Les ULM en sont généralement dépourvus, les altitudes atteintes ne le nécessitant pas.
En actionnant la commande de gaz, on module le débit d'air par un papillon ou un boisseau. On réduit le débit pour obtenir le ralenti qu'on peut régler de deux manières : par la butée du papillon ou du boisseau (vis de butée de ralenti), ou par la quantité d'air admise à ce régime (vis de richesse). Le "meilleur" ralenti se trouve au régime de richesse optimale. Le carburateur à dépression est une variante uniquement destinée aux moteurs quatre-temps ; le câble de gaz ouvre toujours un papillon, mais c'est la dépression générée par le moteur (laquelle augmente avec le régime) qui fait se lever le boisseau. Ainsi, il est impossible de mettre à pleine ouverture un moteur qui tourne à bas régime, ce qui évite l'engorgement à la remise des gaz.



L'avenir à l'injection


L'injection est une autre façon de "préparer" le mélange. Il en existe de deux types : directe ou indirecte. Dans le premier cas, l'injecteur est situé dans la culasse. Il n'y a pas de veine gazeuse. L'injection d'essence se fait dans la chambre de combustion, durant l'admission d'air pour un quatre-temps, et juste avant l'étincelage pour un deux-temps. L'injection indirecte, elle, s'apparente au carburateur, car l'injecteur envoie les doses d'essence dans le flux d'air dans la pipe d'admission en amont de la soupape d'admission. De fait, la veine gazeuse est constituée quand elle pénètre dans la chambre de combustion. On parle d'injection multipoint quand chaque cylindre reçoit une veine approvisionnée en essence par un injecteur indépendant. Un système d'injection moderne est constitué d'une pompe (électrique ou mécanique) mettant l'essence sous pression (2 à 3 bars) ; d'un calculateur ; d'une batterie de capteurs recueillant les informations (paramètres) ; d'un ou plusieurs injecteurs. Désormais obsolète, l'injection mécanique se passe de calculateur, un distributeur-doseur remplissant cette fonction.
L'injecteur diffuse l'essence de façon contrôlée. Un électroaimant commande une aiguille qui ouvre et ferme un gicleur calibré. L'essence sous pression est ainsi pulvérisée à travers une buse qui détermine la forme du jet. La quantité de carburant injectée est déterminée par le temps d'ouverture. Les capteurs ont pour rôle de renseigner le calculateur sur la synchronisation (moment) et la durée (quantité) de l'injection. Le capteur d'allumage indique le régime moteur ; le capteur de position des papillons informe sur la volonté du pilote ; les sondes de température (eau, huile...) paramètrent une compensation en cas de température inadaptée (enrichissement) ; le débitmètre renseigne sur la capacité du moteur à "digérer" le mélange gazeux... Le calculateur est un ordinateur capable de gérer au mieux injection et allumage en fonction de tous ces paramètres. Il recourt à des lois mémorisées dans l'EPROM. Il en résulte des diagrammes prédéfinis (la cartographie d'injection). L'injection intermittente commande tous les injecteurs à chaque tour moteur, alors que l'injection séquentielle ne commande chaque injecteur que pendant la phase d'admission concernée.
La suralimentation d'un moteur consiste à introduire une plus grande quantité de gaz frais dans la chambre, ce que n'aurait pu faire la dépression naturelle. Pour cela, on a imaginé différents types de compresseurs. Le compresseur volumétrique est mû par une courroie. Cela procure l'avantage d'une surpression proportionnelle au régime, mais cela consomme de l'énergie par friction. Le turbocompresseur apporte une solution théoriquement idéale, puisqu'il récupère une énergie perdue (le flux des gaz brûlés). Une aube entre en rotation au passage des gaz chauds ; cette aube motrice est reliée à une autre qui pulse l'air frais en direction des carburateurs ou des pipes. Mais les vitesses de rotation atteintes (plus de 100 000 tr/min) et l'ambiance chaude dans laquelle tourne l'arbre de liaison en font une pièce délicate à mettre au point, et fragile à l'usage.



Le givrage


Le venturi du carburateur accélère l'air qui se détend, ce qui occasionne un refroidissement de 20 à 30° pouvant, dans certaines conditions, déposer une pellicule de glace dans la pipe d'admission, et notamment là où l'essence est vaporisée. C'est l'humidité contenue dans l'air qui givre. Un givrage léger provoque une baisse du régime moteur ; un givrage sévère l'arrête. Les conditions de givrage sont un fort taux d'humidité dans l'air et une température comprise entre env. 15° et 0°. On a imaginé un dispositif très simple pour contrecarrer le givrage : la réchauffe carbu. Ce système, qu'on trouve sur toutes les voitures, consiste à puiser l'air "frais" au voisinage de l'échappement. La réchauffe ne doit pas être utilisée en permanence car elle induit une surconsommation (air plus dense, donc mélange plus riche), et un risque de dégradation du moteur (mélange détonnant). La réchauffe ne doit jamais être engagée au décollage (perte de puissance). Les moteurs deux-temps sont peu sensibles au givrage du carburateur. Les moteurs à injection, eux, y sont totalement insensibles.

Extraits du livre "ULM : du rêve à la pratique"