AEROVOYAGE


Entreprendre un voyage en ULM requiert une bonne préparation et une connaissance approfondie de sa machine. Au bout du chemin, il y a l'accomplissement, le plaisir et l'envie de recommencer.

L'ULM est par définition destiné au déplacement. La notion de voyage est voisine de celle de déplacement, à la différence qu'on rallonge les distances. Partant de là, tout ULM peut voyager. Seules les conditions changeront. Ainsi, le pendulaire basique qui vole à 80 km/h avec une autonomie de 130 km peut très bien traverser la France, mais le fera en deux ou trois jours, peut-être quatre, alors qu'un multi-axe performant ne met qu'une petite journée. Mais si on doit désigner un gagnant à cette "course", ce n'est pas forcément le plus rapide qui l'emporte.
Un ULM basique va à son rythme de plate-forme en prairie accueillante, capable d'atterrir sur des terrains de fortune. Ceux qui ont vécu les rencontres paysannes, l'hospitalité simple ou le camping improvisé le savent : ce n'est pas rapide, ce n'est pas efficace, mais côté enrichissement, on n'a pas mieux en magasin !

Par ailleurs, le transport des bagages n'est pas commode, notamment si on voyage en duo. Il faudra faire l'impasse sur le confort élémentaire, ou détruire les derniers vestiges aérodynamiques en logeant duvets, tente et autres sacs de fringues à l'extérieur de la cellule. Rajoutez quelques litres de coco...

Tous les ULM ne sont pas égaux face au voyage. Un multi-axe moderne offre généralement une autonomie allant de 250 à 450 km (deux ou quatre-temps), ce qui autorise des étapes mieux ciblées. Un premier trajet le matin suivi d'une pause gastronomique sur un aérodrome connu pour son restaurant. On laisse passer les turbulences désagréables du début d'après-midi en digérant ; on refioule, pré-vol pour un second franchissement et une arrivée à destination en fin d'après midi. Un deux-temps parcourt ainsi cinq cent kilomètres par jour, sans fatigue ni stress. Côté dépense, avec des consommations contenues entre 7 et 12 l/100 km selon les mécaniques, on peut s'offrir de bons gueuletons avec le carburant "économisé". La capacité de chargement des multi-axes modernes est précieuse. Avec leur soute à bagages volumineuses, des ULM tout simples (Coyote, CH701, Guépy, Bingo...) autorisent le voyager à deux en autosuffisance, sans se priver d'un minimum de confort. Le tout étant de respecter la masse maximal au décollage (MMD).

Se déplacer en ULM, voyager, c'est souvent compter sur les autres. Vous ne pratiquerez jamais autant la marche à pied et l'auto-stop qu'en pratiquant ce loisir. Car excepté quelques plates-formes ou aérodromes qui disposent d'un restaurant sur site, c'est en moyenne cinq à huit kilomètres qu'il faut s'infuser pour déjeuner ou dîner. On trouve parfois des voitures à louer pour des sommes symboliques (mais pas toujours climatisées !). Pareil pour le carburant. Cela étant, le stop avec un jerrican à la main fonctionne toujours bien. Quand on décide de camper, il faut parfois négocier un coin d'aérodrome pour poser la tente sous l'aile, et se montrer discret pour que plus tard, d'autres puissent aussi profiter de cette faveur. Les balades en groupe sont l'occasion d'être suivi par une voiture qui s'occupe de l'intendance, des ravitaillements ; cela s'appelle l'organisation.

Quelques plates-formes ULM se sont organisées afin de proposer un service complet : restauration (parfois avec toque), studios ou chambres, activités, carburant Pour débuter les voyages, voilà une formule bien pensée et fort sympathique. Et après quelques sorties en solo ou en groupe, pourquoi ne pas passer dans la cour des grands et tenter un rallye comme le Tour de France ULM, manifestation parfaitement organisée, rodée depuis des années et qui enchante toujours autant les participants ? Il y a pas mal de clubs qui organisent des sorties, certes moins spectaculaires, mais toujours sympa, avec l'ambiance club qui va bien.

Pendant la durée de votre voyage, votre vie va devoir "tenir" dans la MMD de votre ULM. Donc les livres rares, le piano et la collection d'enclumes devront rester à la maison. Il va falloir trier par ordre d'importance ce qui a droit de citer au chapitre du fret. L'équipement de vol (cartes, fiches terrains ou VAC, documents réglementaires, pochette SIA...) est indispensable. Pensez à l'avitaillement : un bidon vide de 25 litres pour transporter l'essence. Il en faut un léger dont la géométrie n'est pas handicapante. Si votre moteur quatre-temps consomme de l'huile, estimez la quantité utile pour votre voyage. L'huile deux temps est embarquée à raison d'un litre pour cinquante litres d'essence. Le dosage étant très précis, pensez à étalonner un bidon à fenêtre pour connaître la régularité du pétrolier en terme de remplissage. Certains sont fiables et précis, ce qui évite d'emporter un doseur (mais attention aux dilatation et déformations dues à la chaleur). Toujours à propos de ce poste, ne comptez pas trouver votre huile habituelle là où vous irez. Alors soit vous vous informez par téléphone, soit vous la commandez, soit vous l'emportez. La trousse à outils figure au rang des indispensables. Le tuyau-syphon à clapet ou tout autre système de remplissage sera logé de façon accessible. Trois queues de cochon sont nécessaires pour retenir l'ULM au parking si le vent se lève. N'oubliez pas les sangles pour relier les ailes au sol. Ces même sangles amarreront très fermement les bagages (en soute ou ailleurs), qu'ils n'aient pas la mauvaise idée de passer dans l'hélice d'un propulsif ou de bloquer les commandes de vol. Une couverture de survie astucieusement ligotée aux quatre coins avec des cordelettes fera un excellent écran solaire qui protégera votre cabine quand l'appareil n'est pas sous abri. Dernier détail, emportez un double de la clé de contact, habilement scotché dans un endroit connu de vous seul. En cas de perte de l'autre jeu, vous serez fier de votre prévoyance.

Bon : et les bonhommes, dans tout ça ? L'ulmiste-voyageur trouvera son bonheur (en choix et en poids) dans la section randonnée des magasins de sport. Le sac de couchage doit être choisi pour sa qualité (anti-transpiration, tenue au froid...), pour son poids (on trouve du bon matériel < 1,2 kg), pour son encombrement plié (long. 35 cm ; ø 20 cm) et pour sa couleur (bleu c'est joli, mais rouge-orangé ça attire les secours au cas où…). Si vous optez pour un matelas, prenez-le épais (> 1 cm), léger (<0,25 kg), avec une face aluminium. La tente doit avoir deux vertus : légèreté (< 2,5 kg) et encombrement plié (long. 50 cm ; ø 15 cm). On ne part pas en ULM à un défilé de mode ; fonctionnalité, poids, polyvalence et opportunité sont les caractéristiques du peu de fringues qu'on emporte. Car à ceci il faut ajouter une bouteille d'eau (vitale l'été) et l'appareil photo ou le camescope.
Tout ça planté dans l'ULM, réservoirs à toc, reste à peser la bestiole et les bestiaux. C'est là qu'on regrette d'avoir boulotté une troisième part de tarte chez tante Frida ; un ULM multi-axe sur deux est hors-jeu. Et quand ça passe, c'est limite. Beaucoup diront que les réservoirs vont se vider et que le moteur est puissant… Soit. Mais on est souvent en été pour ce genre de voyage, l'air chauffé est peu porteur ; viser une piste courte serait suicidaire. Alors vient l'heure des restrictions. Tant pis pour le Scrabble, la bouteille de pastaga, les raquettes de tennis, la tenue de plongée et la glacière, ces bricoles resteront dans le coffre de l'auto. Reste le problème du centrage. On a casé au chausse-pied l'ensemble des bagages, et donc ajouté une masse non négligeable à la machine. Le centrage a fatalement changé. Pas question de tester un décollage au second régime, pour finalement décrocher sur la queue.
Les pendulaires ne sont pas trop concernés par le centrage pour la phase de vol proprement dite. Mais à l'atterrissage, l'angle d'attaque modifié du chariot peut entraîner des effets indésirables comme des rebonds, voire un plantage de la roulette de nez...
Extraits du livre "ULM : du rêve à la pratique"